la cuisine du COVID

J'ai eu peur.

Pas peur de la maladie. Si vous êtes malade

- Soit vous guérissez, et vous n'avez plus de problème:

-Soit vous décédez, et vous n'en avez plus non plus.

Bon, je laisse de côté la pénibilité es soins, les séquelles. Mais vous voyez l'idée.

Par contre, l'idée de transmettre à d'autres m'a fait éviter les magasins. Parce que j'ai vu des comportements irrationnels, qui m'ont dissuadée d'y entrer. Les choses se sont calmées ensuite mais je n'ai pas pu revenir en arrière.

J'ai eu peur de manquer. J'ai eu peur d'avoir faim. Une peur archaîque, viscérale, un défi à ma nature "nourricière". 

Pour moi, pour ma famille, pour ceux qui se sont repliés chez moi de façon imprévue.

Ils avaient peur aussi, en tant que carnivores. Les hommes avaient une façon de regarder les provisions, qui ne donnait pas envie d'être isolé avec eux sur une île déserte.

Les femmes les regardaient avec un regard d'inquiétude, sans rien dire. Avions nous assez de ceci ou de cela. Nous faisions des listes. Nous répartissions les sucreries car nos hommes se jetaient dessus.

Nous n'avons jamais autant mangé.

Nous n'avons jamais autant cuisiné.

Nous avons cuisiné desfèves sèches et non épluchées. Nous avons fait du pain, des yaourts et de la citronnade. "Nous"- Elle- a fait un gâteau extraordinaire pour Pâques. "Elle" est pâtissière et s'est comportée comme un rayon de soleil, trouvant plein d'dées, tirant parti de provisions improbables.

Nous avons commandé des provisions qui ont fini par arriver, du moins en partie.

Nous avons écrit "Merci " dans notre coffre où les employés du drive ont déposé les provisions pour notre famille.

Nous avons réactivé des circuits courts et apprécié doublement notre AMAP.

Les jeunes sont repartis après quelques semaines

J'ai appris à anticiper, ce que je n'ai jamais fait avant. Je verrai la nourriture autrement.